Loin des destinations classiques, les Îles Lofoten au nord de la Norvège offrent de belles randonnées à ski de difficulté modérée.
Les Lofoten sont un regroupement d’îles situées en Norvège, au nord du Cercle Polaire Arctique, entre les latitudes 67 et 68. Région connue pour son « potentiel escalade » en été, c’est une destination classique du cours de guide norvégien. En hiver, c’est un archipel taillé pour le ski de randonnée, qui recèle un cocktail magique de montagnes imposantes, de parois granitiques plongeant vers la mer et de ports de pêche pittoresques où sèchent les morues à l’air libre.
Notre camp de base : une cabane de pêcheur…
La piste de l’aéroport de Svolvaer est recouverte de neige fraîche et c’est dans un nuage de poudreuse que nous atterrissons avec le bimoteur 814 V de la compagnie locale Wideroe. Peu après, nous arrivons dans le charmant village de Kabelvag où nous partons à la recherche de notre cabane ou «rorbu », qui sera notre camp de base pendant deux semaines.
« Les quatre courants »
On dit souvent que ce sont « les quatre courants » qui ont créé les Lofoten. L’archipel s’avance dans la mer telle une protubérance et forme une sorte de bras tendu au nord de la côte norvégienne. Déjà par le passé, cette localisation assez spéciale attira l’œil de beaucoup de navigateurs et figura très tôt sur de nombreuses cartes. Avec ses grands murs de granit jaillissant de la mer, ces îles forment une sorte de rempart qui prend tout ce qui passe : le vent, la pluie, les tempêtes, les forts courants marins mais aussi et surtout le magique « Gulf Stream ». Ce courant chaud aide à réchauffer les Lofoten et à avoir des températures plus élevées qu’en Alaska ou au Groenland, situés pourtant sur les mêmes latitudes. Grâce aux « quatre courants », la région est riche et prospère : le « Gulf Stream » vient du sud, les grands bancs de morues du nord, les pêcheurs de l’est et de l’ouest, le poisson, lui, est exporté dans le monde entier.
Eau turquoise des Caraïbes et ambiance montagne à Flakstadoya
Pour démarrer notre périple, nous partons pour une reconnaissance de la côte occidentale afin de nous rendre compte du potentiel de ski de randonnée de l’archipel. L’unique route (l’E10), longe la côte sud sur 160 kilomètres et relie Svolvaer à A, dernier village situé à l’extrême ouest. Des ponts et des tunnels relient les différentes îles entre elles et permettent ainsi d’avoir facilement accès à tout l’archipel.
En général, les départs en ski de randonnée se font depuis la route. Pour cette première prise de contact avec la neige norvégienne, nous nous rendons à Flakstadoya.. Ce village nous offre un spectacle contrasté : de superbes aiguilles de granit crépies de neige comme le Stortinden (856 m) dominent une eau turquoise style « Caraïbes » bordée de plages de sable fin. Ici les repères habituels explosent assez vite… Depuis le hameau de Bo (le bien nommé) où nous collons nos peaux de phoque, une pente douce mène à un col proche du Moltinden, puis au sommet du Flakstadtinden. La descente sur Flakstad et sa plage balnéaire est vraiment royale. A Rambert, petit village voisin, nous rencontrons nos premiers pêcheurs qui étalent leurs morues sur de grands racks.
Rencontre avec l’unique guide de montagne de l’archipel
Ce soir, nous trinquons au chaud avec Torbjörn, l’unique guide de montagne installé sur l’archipel. Il vient de Narvik et s’est installé avec sa famille à Hennigsvear. Il y a ouvert un gîte-bar, le Climbing-Café, ainsi qu’une école d’alpinisme. Autour d’une bonne bière norvégienne, il nous explique les deux régimes météo des Lofoten : « régime du nord : beau temps, froid, stable et neige poudreuse ; régime du sud : températures douces, mauvais temps, vent du sud, neige mouillée ». Au niveau avalanche, dans les grandes lignes, c’est aussi assez binaire : « régime du nord : froid, neige stable ; régime du sud : chaud et avalancheux ». Décidément, avec les Vikings, tout est très simple ! Torbjörn nous raconte également qu’ici, le temps peut changer brutalement 3 à 4 fois par jour – on l’avait déjà remarqué ! -, et qu’en hiver, il peut aussi pleuvoir 7 jours de suite. Ses propos nous font bien comprendre qu’ici, la météo est définitivement mauvaise, et qu’il vaut mieux prévoir au moins deux semaines minimum quand on vient y faire du ski de randonnée.
Le Kirstbergtinden : une belle pyramide
Le lendemain, je tire le rideau et jette un coup d’œil par la fenêtre : pluie et neige mêlée… la routine quoi ! Deux heures plus tard, le ciel se déchire un peu et nous partons en direction du Vestpoltfjord. Au nord de celui-ci, nous découvrons une belle pyramide : le Kirstbergtinden. J’ai pu repérer, le jour précédent, une vague tranchée dans la zone de vernes qui démarre au village de Vestpollen. La pente est raide sur les 300 premiers mètres ; la neige lourde, combinée à une jungle inextricable, ne nous permet pas de prendre un bon rythme. Le temps est maussade depuis notre départ. Lorsque nous arrivons dans le grand cirque, sous le sommet, un mur noir s’avance dans notre direction, nous faisant craindre le pire. Dans quelques minutes, nous allons déguster ! Nous nous arrêtons alors sur le plateau pour voir comment cela va tourner. Dix minutes après, la neige arrive, les flocons tombent dru et le brouillard est très dense. Nous nous enfonçons dans nos gore-tex en attendant que cela passe. Une demi-heure plus tard, les chutes de neige cessent, nous laissant dans un épais brouillard. Nous décidons néanmoins de continuer sur l’arête sud, à gauche du grand cirque. Les premières pentes côtent sec jusqu’à une section plus horizontale mais plus effilée. En progressant lentement sur l’arête, nous venons buter sur un ressaut rocheux. Nous échangeons alors nos skis pour des crampons, afin de gravir ces dalles recouvertes de neige fraîche. La suite est une succession de dalles et de petits gendarmes donnant accès au sommet. Le brouillard se lève un peu à notre arrivée sur la plate-forme finale, et nous avons même un peu de vue à l’ouest, sur le Torskmannen.
Les Lofoten ont tenu leurs promesses
Quelques jours plus tard, les premiers pêcheurs quittent les « rorbus » de Kabelvag. Au sud du Vestpolljfjord et de ses grands lacs coupant l’île d’Austvogoya d’est en ouest jusqu’au Vatnfjord, se trouve un sommet appelé le Kvintinden. C’est un superbe belvédère dans une région très intéressante pour le ski de randonnée : l’Austpollen et la chaîne de l’Higravtinden (1146 m), celles du Geitgalen (1085 m), du Lagstratinden (1158 m) et du Rulten (1062 m), les plus hauts sommets des Lofoten.
Pour l’heure, le Kvintinden est plus approprié, vu la pluie et la neige de la nuit dernière. Pas après pas, nous prenons de la hauteur et l’air se rafraîchit. Sous nos skis, la neige devient meilleure; passée la zone d’arbres, elle est plus sèche et meringuée en surface : elle semble avoir été jetée à la truelle sur les morceaux de granit affleurants. En arrivant sur la crête qui s’étend jusqu’au sommet, quelques rayons de soleil timides trouent les nuages. Les visages s’illuminent. L’ambiance est ouatée, des lambeaux nuageux s’étirent le long du fjord. Nous laissons exploser notre joie malgré la température polaire qui nous accueille au sommet. Le Rulten et sa carapace blanche s’imposent à notre regard émerveillé. Des lumières pâles éclairent le Vatnfjord en contrebas alors que la mer apparaît tout autour de nous, sur 360 degrés. Il n’y a pas de doute, terres de neige et de légendes, les Lofoten ont tenu leurs promesses lors cette exploration hivernale
PRATIQUE
Comment partir ?
En avion : vol pour Oslo puis Bodo avec Scandinavian Airlines (SAS). Cinq vols quotidiens depuis Bodo pour Svolvaer avec SAS – Wideroe.
En bateau : l’Express côtier, une fois par jour entre Bodo et Svolvaer.
Où dormir ?
La bonne adresse :
« Climbing Café »
Thorbjorn Enevord
Nord Norsk Klatreskole
N – 8330 Henningsvear
e-mail : postmaster@nordnorskklatreskole.no
Climat et période propice
Les mois de janvier et février sont les plus froids, avec une température moyenne de –1°C ; juillet et août, les mois plus chauds avec une température moyenne de 12°C. La période idéale pour le ski de randonnée se situe entre mars et mai.
Cartes, topos, météo
Il n’existe pas de topo de ski de randonnée pour les Lofoten. Pour les cartes, elles sont de très bonne qualité en Norvège. Plus d’informations sur le site de l’institut de géographie www.statkart.no et à l’office du tourisme de Svolvaer (tél : +47 76 07 30 00). Pour l’Austenfjord, se procurer la feuille 1131 I (Austvagoya). Météo norvégienne en anglais : www.met.no/English . Bulletin avalanche : www.snoskred.no . Office du tourisme des Lofoten : www.lofoten.info .
Itinéraires/ propositions de course
Courses à la journée de difficulté modérée, idéales avec des clients de niveau moyen :
Le Geitgalen (1035 m) : sorte de Cerro Torre norvégien mais très accessible par son flanc nord.
– L’Higravtinden (1140 m) : c’est le plus haut sommet de l’archipel. Emprunter un couloir dans la face nord-ouest. Depuis le sommet, plusieurs itinéraires de descente rayent la face.
Trolltindan (987 m) : massif isolé à l’est du Geitgalen.
Trollfjord et Trollfjordtinden (830 m) : le Trollfjord est le fjord le plus connu et le plus visité de Norvège. Ses parois imposantes attirent chaque été des bateaux de touristes qui viennent admirer la beauté du site. En hiver, c’est le calme, et l’endroit redevient sauvage.
Le Stauren (762 m) et le Sauntinden (596 m) se situent au nord du village de Laupstad, au fond de l’Austenfjord.
Kirstbergtinden (660 m) : petite course idéale par conditions avalancheuses défavorables.
Kvintinden (517 m) : ce sommet modeste est très indiqué les jours de mauvais temps.
