Entre alpinisme et randonnée, un raid de cinq jours sur les vias ferratas des Alpes
Plaqués à flanc de falaise, sur une vire (sentier très étroit) des plus menues, nous sommes seulement retenus par un câble à des rampes d’acier fixées à la paroi : les vias ferratas. Et pas question de céder au vertige : il faut encore « désescalader » les barreaux scellés dans le rocher pour accéder au grand mur final. Cette épreuve ne se laissera pas avaler sans franchir un dernier surplomb avant d’emprunter une passerelle posée de guingois entre deux parois. Bienvenue au Rocher jaune, via ferra-ta située à quinze minutes de marche du refuge des Diablerets.
Falaises abruptes, chemins escarpés… pour amateurs de sensations fortes.
Un petit « 3 000», mais qui sera notre toit du monde. Comme le note avec pertinence Alan Delizée, notre guide, « celle-là, elle cause ! » C’est en effet l’étape la plus aérienne de cette rando inédite, qui alterne vias ferratas (une par jour) et chemins escarpés de moyenne montagne. Un mélange des genres qui permet à tous de s’essayer à l’alpinisme sans avoir à craindre les dangers de l’altitude, tout en se baguenaudant dans les verts pâturages de la Suisse romande. Celle qui fleure bon la vache Milka de notre enfance, livrée avec vue imprenable sur l’omniprésent lac Léman.
C’est d’ailleurs lui qui, sur fond de mont Blanc, nous offre en ouverture de notre expédition une grandiose idée de la terre vue du haut d’une échelle métallique, alors que nous en finissons avec la Tour d’Aï. Cette première via ferrata sera notre période de rodage avant d’appréhender la suite, de plus en plus technique, de ce périple des plus formateurs. La preuve : la via de Château-d’Ex (principale difficulté du lendemain) est perçue par notre petit groupe sportif mais novice en grimpe
Pas besoin d’être un roi de l’escalade pour s’attaquer à cette splendide randonnée des cimes
Grâce à Alan, nous avons, entre autres, compris que lorsqu’un Suisse parle de « cabane », c’est au pire un refuge trois étoiles…
Celui de Pierredar, au départ du village des Diablerets, nous attend trois heures plus tard. Trois heures de cheminement parmi les gentianes au bleu intense serties d’une immensité plus verte que nature. Clou de ce spectacle parfaitement bucolique : un cirque géant et rocheux, troué de cascades qui nous font jouer à saute-torrent tout en croisant moutons, vaches à cloche et, miracle, un chamois. Le soir même, Claude, ex-postier et actuel gardien du refuge, nous sert d’énormes platées de pâtes à la bolognaise arrosées d’un petit vin suisse, comme pour nous réchauffer
avant la chute brutale du mercure. Car le lendemain, changement de décor et de température. Après avoir troqué le T-shirt contre la laine polaire, on oublie la symphonie pastorale jouée depuis Leysin pour attaquer une partition plus austère, celle des Diablerets, toute de roche et de glace. Nous voici dans le club très privé des chausseurs estivaux de crampons.
Cette approche initiatique de l’alpinisme se fera sur la via fer-rata atypique de Pierredar, itinéraire cerné de barres rocheuses prééquipées de mains courantes.
C’est en alternant marche et escalade que nous accédons au glacier de Prapio. Le quart d’heure de traversée à coups de piolets tant redouté est plutôt aisé (c’est la partie plate et sans crevasses).
Cela se complique dès le versant opposé du glacier, d’où part un autre sentier « câblé », tracé dans la face drue. Avertissement de notre guide : « Raide et un peu tas de cailloux. » Conseil éminemment judicieux dont profitera l’escaladeur du dessous : éviter de provoquer des chutes de pierres, sinon, bobo le casque.
Encore une cascade gelée, passage délicat, puis la récompense est au tournant avec une fabuleuse vue surplombant le glacier que l’on vient de traverser.
Celui des Diablerets, envahi de snowboarders pour cause de camp d’été, est déjà en vue. La descente vers le refuge nécessite encore des crampons : elle se fait sur un névé (amas de neige dure) mais, surtout, sur un petit nuage.
En l’espace d’une semaine, on en a tout de même approché quelques-uns…
