Après les animaux sauvages, la forêt des pluies, la savane épineuse et les coulées de laves, deux copains aventuriers ramènent la réponse à cette question qui a traversée les siècles : Y a-t-il de la neige au Kililmandjaro ?
Atterrissage à Kilimandjaro-Airport. Le kili (pour les intimes) se cache derrière un drap de gros nuages cotonneux. Sur le Kibo, le plus haut des trois cratères du massif, notre objectif est le Uhuru’s peak (le pic de la liberté) qui culmine à 5 896m, le point le plus élevé. Parmi les différentes voies permettant d’accéder au sommet, nous avons choisi la voie Machame qui promet la plus belle variété de paysages, de la jungle de Machame Gate (les portes du parc national) aux laves du cratère sommital, avec un retour par Mweka pour ne pas traîner pendant la descente. C’est l’accès de descente obligatoire de tous ceux qui empruntent la voie Machame pour désengorger la voie normale, la très fréquentée voie Marangu. En plus, c’est l’itinéraire qui permet l’acclimatation la plus progressive à l’altitude.
Après neuf heures de bus lancé à bloc sans amortisseurs sur une route défoncée, nous arrivons le dos en miettes à Marangu, village situé à une bonne centaine de bornes du Kilimandjaro. Au camp de base, nous sommes immédiatement accueilli par Simon, notre chef d’expédition, qui nous briefe rapidement sur le déroulement du séjour.
Le lendemain à 10 heures, nous nous entassons avec le guide, les porteurs, le cuisto et tout le matos à bord d’un minibus en direction des portes de la réserve. Stop à Machame, petit village situé à 1600 m d ‘altitude d’où commencera notre marche d’approche. Le guide choisit les derniers porteurs parmi la foule de prétendants qui s’arrachent nos sacs. Le cuisto en profite pour faire le plein des dernières denrées dont nous aurons besoin. Une demi-heure plus tard, nous traversons les champs de caféiers et de bananiers avant de nous enfoncer dans une jungle épaisse, humide et boueuse.
Nous atteignons la cabane de l’entrée du parc. Un ranger tout en muscles et en lunettes noires nous y attend de pied ferme. Nom, prénom, âge, adresse… Passeport ! Il a l’air à peu près aussi cool qu’un douanier Serbe… Sans décrocher un sourire, il passe méticuleusement en revue tous nos bagages. Simon nous avait prévenu, les gardes sont plus que vigilants pour assurer la protection du plus important parc de conservation de Tanzanie. C’est curieux mais même si on a rien à se reprocher, on se sent quand même coupable de quelque chose. Ce n’est qu’après avoir vérifié le dernier paquet et échangé quelques mots en swahili avec Simon, que l’ambiance se relâche un peu. Le garde nous demande de signer le grand livre du Kilimandjaro en nous allégeant de 410 USD chacun pour les droits d’entrée correspondant à nos six jours de trek.
Nous repartons dans la chaleur moite de la jungle. La piste de 4×4 se poursuit par un semblant de sentier qui disparaît dans la végétation luxuriante. On a du mal à avancer, trempés jusqu’aux os par l’humidité omniprésente avec de la boue jusqu’aux chevilles. Les porteurs, eux, progressent tranquillement en tongs avec nos sacs sur la tête. Après trois heures passées à lutter péniblement dans la boue qui s’infiltre insidieusement dans nos chaussures de marche en regrettant nos bottes en caoutchouc jaunes (qu’on aurait eu honte de mettre en d’autres circonstances), la brume se déchire et nous laisse entrevoir des bribes de jungle dense et féerique. Après six heures de marche, nous arrivons sur les rotules à Machame Hut, le premier campement. Il est à peine sept heures du soir quand la nuit tombe brutalement sur nos têtes gauloises. Et avec elle, la température qui s’amuse à frôler le zéro… Nous avons à peine le temps de monter la tente et de faire un feu pour le dîner.
Le lendemain, la jungle fait place à des bruyères géantes qui rapetissent à mesure que nous montons en altitude. Heureusement, nous avons fini par trouvé notre rythme de croisière et chacun avance à présent d’un pas assuré et rapide. Lorsque nous arrivons au campement de Shira Hut, perché à 3 800 mètres d’altitude, il ne reste plus que quelques plantes géantes ici et là mais la végétation a quasiment disparue.
Après une nuit hachurée, nous sortons à nouveau le nez des tentes. Et là, surprise, le campement est recouvert d’une mince pellicule de neige. Il fait – 5°C. Soudain, les nuages s’évaporent sous les rayons du soleil qui vient de passer au dessus du Kili. La neige fond presque instantanément et la température remonte à 20°C en quelques minutes. Les porteurs émergent un par un. Très loin au dessus de nous le sommet du Kilimandjaro étincelle sous le soleil de l’équateur. Le Mont Meru, deuxième plus haut sommet de Tanzanie avec ses 4 566 m, émerge comme un mamelon arrondi de la mer de nuages qui se love dans la vallée.
Mais la vue escarpée sur Western Breach Wall (la brèche ouest), nous rappelle que nous sommes encore loin de notre objectif et nous décidons de rester une nuit de plus ici, histoire de mieux nous acclimater avant d’attaquer le sommet. Prochain arrêt : Lava Tower, l’avant dernier campement à 4 600 m d’altitude. Un sandwich à la tomate et au concombre relevé à la confiture de fraise dans le ventre (une faiblesse des anglais parait-il !) et nous reprenons la route sur des coulées de lave figées. Au beau milieu de ce paysage lunaire et désertique, quelques carcasses d’animaux gisent sur le sol, renforçant l’impression de désolation dégagée par ces lieux. Mes bâtons télescopiques ne cessent de se rétracter dès que je m’appuie dessus et je manque à chaque fois de m’étaler comme une crêpe sur le sol. Du coup, je suis contraint de les régler en marchant et comme je ne regarde plus où je mets les pieds, je butte dangereusement sur les pierres de lave. Après quatre heures passées à me battre avec mes bâtons, nous approchons enfin du campement établi au pied d’une grosse colonne de lave (d’où son nom Lava Tower). Nous sommes tout prêt des glaciers du cratère et un vent glacial balaye les lieux. Par chance, nous trouvons une petite grotte qui se révèle un abri parfait pour monter la tente. Après cinq jours sans se laver, on se croirait dans la Guerre du feu. Les nuits sont de plus en plus difficiles et je commence à ressentir les premiers symptômes du mal d’altitude : légère nausée et migraine naissante. Sans plus attendre, je prends le fameux médicament contre le mal des montagnes prescrit par mon médecin avant le départ. Et… Miracle, ça passe ! Je sais que j’ai de la chance car certains sont contraints de faire demi-tour à cause de ça. D’ailleurs, un de nos porteurs n’y coupera pas et devra redescendre le lendemain.
Le dernier camp, Arrow Glacier n’est qu’à 250 mètres d’ici mais à 4 850 m d’altitude, l’oxygène se fait plus rare et chaque pas devient lourd, lent et épuisant. A cette altitude on avance de 250 mètres de dénivelé par heures environ. Et mine de rien, nous sommes déjà 43 mètres au dessus du Mont-Blanc !
Minuit, le réveil sonne et on lui ferait bien sa fête à celui là. C’est l’heure du départ sous un beau ciel étoilé, les neurones un peu anesthésiés par les dernières nuits trop courtes. Mais après un thé et quelques gâteaux secs nous sommes de nouveau à bloc pour entamer notre ultime progression vers le sommet. Nous ne prenons sur nous que le strict minimum. Les porteurs se chargeront d’acheminer le reste des affaires après avoir contourné le cratère pour nous rejoindre sur l’itinéraire de descente. Arrivés sur les bords du grand cratère à 5 800 m d’altitude, les premiers rayons du soleil percent enfin. Nos pas disparaissent dans une épaisse couche de cendres qui dégage une charmante odeur de souffre. Ma respiration est de plus en plus difficile. A bout de forces, j’ai fini par télescoper mes bâtons dans mon sac et je m’efforce à présent de mettre un pied devant l’autre sans réfléchir comme si rien ne pouvait m’empêcher d’avancer. Dans mes rêveries, je crois distinguer les encouragements de mes amis. Soudain, posée sur la poussière noire, une immense table de glace surgit devant nous. Le décor est totalement irréel mais il y a bien de la neige au Kilimandjaro !
Mais l’Uhuru’s Peak nous attend une centaine de mètres plus haut et il ne faut pas traîner. La traversée du cratère s’avère plus difficile que prévu. Nous avançons pas à pas dans l’air gelé du matin qui paralyse jusqu’à nos pensées. Enfin, à 12h30, après avoir faillit renoncer une bonne dizaine de fois, nous remportons notre victoire sur le toit de l’Afrique à 5 895 m d’altitude. Et à nos pieds, toute la splendeur de la savane africaine…
Par Marie LABORIE / Agence RAPSODIA
Pourquoi y aller :
1- Pour gravir le plus haut sommet du continent africain (de presque 6 000 m).
2- Pour se la jouer successivement « Gorilles dans la brume », « Out of Africa » et « la Guerre du feu ».
3- Pour l’excitation d’une expédition dans la jungle et la savane où se tapissent des animaux sauvages.
4- Pour la rencontre avec un peuple envoûtant et la beauté exceptionnelle des paysages africains.
5- Pour approcher de près les plus beaux animaux de la savane africaine au cours d’un safari-photo.
Infos pratiques :
NB : Le trekking individuel au Kilimandjaro est interdit, il est obligatoire de passer par les services d’une agence agréée.
Où dormir : Sous sa tente et dans les refuges des différentes voies…
Où manger : Sur un rocher plat avec son pique-nique… Il n’y a pas de restaurants d’altitude…
Saisons : 2 saisons des pluies à éviter absolument : de mi-octobre à mi-décembre et de mi-mars à mi-juin. Le top est de fin juin à début octobre.
Itinéraires : L’ascension du Kili ne présente aucune difficulté technique, hormis l’acclimatation à la haute altitude.
Plusieurs voies d’accès plus ou moins difficile sont répertoriées. Marangu, Machame, Mweka et Umbwe en sont les plus connues et portent le nom des villages où nous retrouvons les principales entrées du Parc national du Mont Kilimandjaro :
-La voie Marangu est l’itinéraire classique parsemé de refuges et très fréquenté.
-La voie Machame est la plus belle et la plus progressive.
-Les voies Umbwe et Rongai sont plus raides et glissantes.
-La voie Shira est plus longue mais belle.
Budget :
Compter 2 000 à 2 500 euros pour deux semaines incluant le vol, la taxe d’ascension et quelques jours en safari.
Vol :
9 à 10h de vol depuis la France : Air France, KLM, British Airways…
Environ 800 euros l’aller / retour
Europe – Kilimandjaro Airport sur ligne régulière.
Décalage horaire par rapport à la France : + 2h en hiver et + 1h en été.
Santé :
Mise à jour nécessaire des vaccinations classiques : tétanos, polio, tuberculose, diphtérie, typhoïde.
La vaccination contre la fièvre jaune est obligatoire pour la Tanzanie et il faut théoriquement se munir de son carnet international de vaccination. Diamox : médicament symptomatique du mal des montagnes sur prescription.
Prestataires : Toutes les agences de trek dignes de ce nom proposent l’ascension du Kilimandjaro !
Utile :
Visa obligatoire pour la Tanzanie : 35 euros. Munissez-vous de votre passeport, de 1 photos d’identité, de votre billet d’avion ou d’une attestation de voyage.
Ambassade de la République Unie de Tanzanie : 13, avenue Poincaré 75016 Paris.tel 0153706366 fax 0147550546 e-mail info@amb-tanzanie.fr
